Fouillant dans ses souvenirs, Martine à la voix tremblante et “les cheveux dressés”. “Il pleuvait si fort, c’était comme la nuit.” Cependant, il était presque midi lorsque le déluge a frappé. C’est alors que Thierry, alors sapeur-pompier volontaire de 23 ans, arrête de travailler sur les travaux publics à cause des fortes pluies. « Je sors de l’entrepôt et je rentre chez moi pour voir ma femme et mon petit garçon, qui a fait ses premiers pas ce jour-là. J’avais de l’eau dans le jardin et Claude Haut, le maire de l’époque, qui habitait la même résidence que moi, est venu me voir et m’a dit : « Thierry, va au camping, ça monte très vite et moi aussi. Je ne sais pas ce qui se passe”. »

Les touristes ont dérivé dans leurs caravanes

Lorsque Thierry, désormais pompier volontaire, arrive sur les lieux, le camping, situé en amont du pont romain, n’est plus qu’un immense lac. « Il y avait des gens dans les toilettes, dans les arbres, dans leurs caravanes calées dans les peupliers. Et puis vient Jean-Pierre, un passionné de pêche, qui a eu la bonne idée de venir avec son bateau. Nous avons alors commencé à chercher des personnes une par une. Pendant quatre à cinq heures, ils font des allers-retours, faisant le plein du moteur. Thierry perd la notion du temps. “Cela a commencé à devenir difficile lorsque l’eau a commencé à redescendre, c’était comme un siphon là-bas et les caravanes ont commencé à dériver. Nous savions qu’il y avait des gens là-dedans qui pensaient qu’ils étaient en sécurité. Nous avons vu des gens partir. » Dans les hauteurs de la ville, Martine s’inquiète pour son frère. “Le facteur venait de passer, terminait sa tournée dans l’Ouvèze”, la rivière qui traverse la commune, responsable de cette crue centennale. Elle descend pour s’assurer que rien n’est arrivé à son frère, il va bien. Contrairement aux deux enfants d’une de ses amies. “Ils grimpaient sur le toit de leur maison. La mère tenait ses deux enfants dans ses bras. Le courant était trop fort et les a laissés partir. Les vagues les ont emportés, raconte Martine en respirant fort. Je suis marqué à vie, dans ma chaire. À chaque tempête, j’y pense.”

“On peut arrêter un incendie, l’eau doit passer”

De son côté, le pompier volontaire commence à prendre les mesures du sinistre. “Nous avons tous travaillé isolément. A cette époque, il n’y avait pas de téléphones portables. La nuit, il se rend à la caserne. « Puis, au cours des jours suivants, les corps ont dû être exhumés. Il y avait des familles parmi les victimes que je connaissais. J’ai toujours cette image dans la tête. Celle du lycée où j’ai fait mes études s’est transformée en morgue, les corps alignés… » Cette crue catastrophique a emporté tous les ponts de la ville, à l’exception du vieux pont romain qui a résisté à 17 mètres d’eau, soit 15 mètres de plus que le niveau habituel de l’Ouvèze. Le principal affluent de la rivière est le Toulourenc, une rivière torrentueuse avec ses gorges. “Toulourenc, en patois, signifie ‘tout ou rien’”, explique Thierry. Enfin dans ce malheur, nous avons eu une chance : cela s’est passé pendant la journée. Le soir, le bilan serait bien plus désastreux. » Depuis, la ville a revu son plan d’urbanisme. Les banques se sont développées et consolidées. Les pompiers ont mis au point un système d’alarme. Des précautions qui ne garantissent pas qu’une telle inondation ne se reproduira pas, mais qui peuvent limiter les dégâts. “Nous les sapeurs-pompiers, on peut arrêter un incendie, il faut que l’eau passe”, résume Thierry. Ce mardi 22 septembre 1992, l’eau est passée et a tout emporté. Sauf pour la mémoire de ceux qui l’ont vécu.