Ce négociant, qui a commencé par vendre du “vin en tiroir”, s’installe dans cet immeuble en 1967. Son commerce évoluant en café, Selim décide de racheter les murs du pavillon de 180m² sur deux étages. “C’était un investissement pour ma retraite”, confie l’octogénaire frustré. L’argent rentre au début. Le bâtiment est divisé en cinq parcelles. Dans le détail, trois locaux professionnels et deux appartements de 13 à 50 m². qui, selon lui, lui rapportent 3 500 euros par mois.

2016, le début des ennuis

Les années passent, Selim vieillit, il est temps de vendre. Nous sommes en novembre 2016, un compromis de vente est signé avec un investisseur. Mais rien ne se passe comme prévu. En mai 2018, alors que le dernier locataire venait de quitter les lieux, des particuliers en ont profité pour s’y installer. Un couple et deux célibataires. “Ils étaient très bons”, raconte son fils octogénaire, Daniel [son prénom a également été changé]. Un premier loyer est payé, il ne sera là que pour trois ou quatre mois au maximum. Et puis, d’autres squatteurs investissent, à leur tour, illégalement les deux derniers lots. Oubliez la promesse de vente signée plusieurs mois plus tôt. Selim et Daniel engagent un avocat. Ce n’est que le 5 mars 2021, soit trois ans après l’arrivée des premières personnes, qu’un juge a ordonné l’expulsion des dernières et que chacun s’est vu demander de payer 400 euros de dédommagement jusqu’à ce que les lieux soient libérés. Père et fils ne verront jamais sa couleur et personne ne partira.

Nouvelle signature et puis c’est parti

Des problèmes de nuisances s’y ajoutent. Les voisins se plaignent. Mais qui est vraiment la source de ces désagréments ? Squatteurs ou commerçants ? Peut-être les deux… Car l’immeuble en question se trouve au cœur d’une zone de sécurité prioritaire, gangrenée par la criminalité et la drogue. Enfin, le 6 septembre 2021, une nouvelle promesse de vente a été signée. Mais pas question pour le nouvel acquéreur d’attendre des mois. Selim “demande, par voie d’huissier, comme le rapportent nos confrères, l’assistance de la puissance publique”. Silence total, rien ne se passe et le futur acquéreur finit par s’ennuyer.

Près de 100 000 euros d’eau en quatre ans

L’assurance refuse de couvrir les dommages causés par les passagers et comme si cela ne suffisait pas, Selim a reçu une lettre recommandée le 24 mai. Veolia le montant à débourser 97 852 euros. Ce qui correspond à des factures d’eau impayées entre 2018 et 2022. Pour Selim “ce n’est pas un choc, c’est un tremblement de terre”, comme il l’explique au Parisien. J’ai constaté que les factures gonflent dès l’envoi des premiers huissiers et redescendent à un niveau normal après l’expulsion”, témoigne l’avocat de la famille, Me Bouillot. Les squatters laissaient-ils parfois le robinet ouvert pendant des jours ? C’est difficile à dire. Veolia propose des spreads sur la dette mais refuse de les rembourser. Des factures ont été envoyées, un contrat a été ouvert, mais à l’heure actuelle personne ne sait qui est le propriétaire. Parce qu’aucun document justificatif n’a été trouvé. Même si la propriété est déclarée occupée, un fournisseur d’eau n’a pas le droit de couper l’eau d’une résidence principale. Les droits de l’homme l’interdisent. En revanche, personne n’a informé Selim qu’une consommation d’eau anormale avait été constatée. Le gestionnaire du réseau d’adduction d’eau doit cependant l’avoir fait dans les conditions prévues à l’article L2224-12-4 du code général des collectivités territoriales. La genèse d’une bataille judiciaire qui promet de durer… Aujourd’hui, les abords de l’immeuble sont murés et les parcelles sont complètement détériorées. La cave est pleine d’eau, les sols sont pleins de détritus et de crottes de rats. L’air ambiant sent l’urine. Le plafond de l’un des appartements a un trou béant juste au-dessus d’un compteur électrique. Sans doute la stigmatisation de l’intrusion d’eau dont personne ne s’est soucié pendant des années.