INFORMATIONS. Ce que l’on sait des résidus de pesticides dans l’eau du robinet de milliers de communes (et des incertitudes sur leur toxicité) Votre commune est-elle concernée ? A l’occasion de la diffusion d’une enquête “Complément d’Enquête” pour France 2 et d’un article dans Le Monde, jeudi 22 septembre, franceinfo a créé un moteur de recherche qui rassemble les données du ministère de la Santé. Il vous permettra de connaître le nombre de prélèvements effectués entre janvier 2021 et juillet 2022, au cours desquels des molécules de pesticides ou leurs métabolites (dérivés de pesticides) ont été recherchés. Et si des dépassements de la limite de qualité (la plupart fixée à 0,1 µg/L) ont été constatés. Une commune est parfois traversée par différents réseaux de distribution, qui sont échantillonnés. Il est donc possible, en tapant le nom de votre commune, que vous trouviez plusieurs résultats. Les données fournies par le ministère de la Santé fournissent des détails sur le réseau et la région qu’il dessert (énumérés dans la deuxième colonne du tableau ci-dessous). Cela peut vous aider à trouver le résultat qui vous intéresse.
Le dépassement de la limite de qualité pour une molécule signifie-t-il que boire de l’eau du robinet est toxique ?
Pour la plupart des molécules en cause, les autorités sanitaires expliquent que ces excès ne signifient pas que boire l’eau est toxique. Il est toujours déclaré « non conforme aux exigences de qualité » et il est demandé à l’administrateur de mettre en place des mesures pour prévenir le phénomène. L’eau continue donc à être distribuée, tant qu’elle ne dépasse pas une deuxième limite, appelée “valeur sanitaire maximale” (Vmax). Cette limite est déterminée en fonction des données toxicologiques de la substance en question. Pour le métolachlore ESA, qui apparaît fréquemment dans le tableau ci-dessus, cette « Vmax » est fixée à 510 µg/L, une limite qui n’a jamais été dépassée durant la période que nous avons étudiée. En revanche, pour certaines molécules, cette seconde limite n’existe pas. Selon les données de l’Anses, il existe 23 pesticides ou métabolites pour lesquels les autorités n’ont pas fixé de valeur sanitaire maximale. Faute de connaissances scientifiques et de connaissance des limites toxicologiques, “il peut arriver que l’Anses ne soit pas en mesure de fournir la Vmax”, explique l’organisme. Il est donc difficile de savoir à quel moment boire de l’eau contenant ces molécules devient dangereux. Dans certains cas, les autorités sanitaires ont fixé une « valeur sanitaire transitoire » : un nouveau seuil qui n’interdit pas, pour l’instant, automatiquement de boire l’eau du robinet, mais renforce la surveillance. Par exemple, pour la desphénylchloridazone (l’une des molécules les plus courantes en termes d’excès), cette nouvelle limite est fixée à 3 µg/L.
Aucun échantillon n’a été testé pour les molécules de pesticides dans le réseau de distribution de ma municipalité. Comment puis-je expliquer cela;
Il existe des centaines de molécules et de métabolites de pesticides et tous ne sont pas systématiquement recherchés dans l’eau du robinet. Cette liste est définie localement. Cela dépend des produits phytosanitaires les plus utilisés sur le territoire. la densité de population sur le territoire du réseau de distribution d’eau ; la capacité des laboratoires de la zone à détecter une telle nouvelle molécule de métabolite ; les moyens financiers de l’ARS pour mener à bien ces démarches coûteuses. De plus, ne pas tester une molécule de pesticide lors de l’échantillonnage ne signifie pas que votre eau du robinet n’est pas surveillée. De nombreux autres paramètres sont scrutés dans votre commune : micro-bactéries, acidité, nitrates… Pour consulter la liste, vous pouvez consulter le détail des résultats d’analyses sur le site du ministère de la santé. Enfin, dans certaines communes, nous avons constaté des imperfections dans les données publiées par le ministère. Pour de nombreuses villes d’Ile-de-France, par exemple, aucune analyse n’est enregistrée car elles n’ont été informées que de la ville où se situe l’usine de production d’eau. Ainsi, la commune d’Issy-les-Moulineaux est approvisionnée par l’usine de Choisy-le-Roi : il faut consulter le site du Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) pour se renseigner et rechercher Choisy -le -Roi pour connaître les résultats des analyses de pesticides concernant les communes distribuées par l’usine. Pour mener à bien ce travail, franceinfo.fr a travaillé avec les équipes de “Complément d’Enquête” et le journaliste Alexandre Léchenet. A partir d’un premier travail de collecte de données effectué par ce dernier, nous avons procédé à notre propre analyse. Il s’appuie sur les données de la base de données SISE-Eaux, qui est un outil national de suivi de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Cet outil surveille des dizaines de paramètres, concernant les micro-organismes (bactéries, virus…), les nitrates, la radioactivité, le plomb… Les pesticides qui ne sont qu’une partie de ces paramètres, il a fallu filtrer la base de données SISE-Eaux à l’aide d’une liste de molécules de pesticides défini en amont. Pour constituer cette première liste, dans un souci de se rapprocher de l’exhaustivité, nous avons collecté les bases de données sur les pesticides créées par l’Anses (ici ou ici), le ministère de la Transition écologique, la Sandre, également complétées par nos soins. Au final, nous avons collecté les résultats pour 1 137 molécules de pesticides ou leurs métabolites. A partir de là nous avons pu analyser les résultats des prélèvements en agrégeant les données par molécule, réseau de distribution, commune.