En raison de ces ressources limitées et de l’anxiété des marchés, les prix de l’énergie ont explosé. Le gouvernement a appelé les Français à la “sobriété énergétique” pour éviter les coupures cet hiver… mais aussi, à long terme, pour faire face à l’urgence climatique. Sept Français, qui s’estiment souvent “privilégiés”, ont raconté à franceinfo leurs efforts quotidiens pour limiter leurs dépenses énergétiques.
Véronique : “Je vais juste allumer un radiateur”
Au téléphone, Véronique, une infirmière récemment retraitée, a la voix tremblante. La veille, la Première ministre Elisabeth Bourne avait annoncé que les ménages français devraient faire face, début 2023, à une hausse de 15 % du tarif réglementé du gaz naturel et de l’électricité. Soit en moyenne 25 euros par mois supplémentaire pour les foyers chauffés au gaz naturel et 20 euros pour ceux chauffés à l’électricité. “Je m’attendais à pire, merci ‘bouclier fiscal’”, s’extasie cette habitante de Limoges (Haute-Vienne), dont la retraite s’élève à 1 420 euros par mois. Cela signifie renoncer à une sortie au cinéma, mais je peux l’absorber. Mais ce qui inquiète vraiment Véronique, c’est la fin du tarif réglementé du gaz, prévue pour le 30 juin 2023. « J’ai toujours refusé de sortir du tarif réglementé, car je m’y sentais plus en sécurité. Qu’est ce que je vais faire; Je ne sais pas vers qui me tourner”, déplore la sexagénaire, qui refuse l’aide financière offerte par ses deux enfants par “orgueil”. “Je ne suis pas proche de 20 euros par mois, mais de 60 euros, oui.” Anticipant la hausse des prix, Véronique a donc décidé de revoir son budget de fond en comble : elle garde actuellement sa voiture, qu’elle utilise « pour visiter [ses] vieux parents et [sa] tante” installée dans la région, mais aussi un budget de plusieurs centaines d’euros par an pour rejoindre ses enfants et petits-enfants en train ou en avion, à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) et Vancouver (Canada). de privations, le retraité de 64 ans s’est tourné vers le « discount » de la nourriture et a drastiquement réduit sa consommation d’énergie : « Je ferme la box tous les soirs, je me lave avec une serviette pour ne plus me doucher qu’une fois par semaine, et ceci en hiver, je n’allumerai qu’un seul radiateur.”
Hedwige : “Mon fournisseur d’électricité verte m’encourage à partir”
EDF, TotalEnergies, Mint Energie… Depuis 2018, Hedwige, 60 ans, qui habite une maison à Tours (Indre-et-Loire), a changé quatre fois de fournisseur de gaz ou d’électricité. Une question financière, pour ce prof de design industriel au lycée qui repère les bonnes affaires. Mais aussi une préoccupation écologique : “Quand on a cinq enfants, on s’inquiète du monde qu’on va leur laisser !”. poursuit en justifiant son choix de souscrire à un contrat d’électricité renouvelable en 2020. Mais début août, elle apprend que “sa facture d’électricité va doubler”. Son fournisseur, Mint Energie, la prévient que les prix seront “très élevés” à partir du 1er octobre, faisant passer sa mensualité de 43 €… à 113 €. Cette dernière l’encourage même à revenir au tarif réglementé ETA, couvert par le “bouclier tarifaire”, assurant qu’elle économiserait ainsi “662 € par an”. Extrait d’un message de Mint Energie qu’Hedwige a reçu à l’été 2022 l’encourageant à changer de fournisseur. (RD) “J’avais l’impression que oui, soupire-t-il. Mon fournisseur était favorable à l’électricité verte et à la protection des consommateurs, mais il m’a finalement encouragé à partir.” Après des recherches, l’enseignante finit par rejoindre TotalEnergies, moyennant une mensualité de gaz et d’électricité de 210 €, immobilisée pendant un an, égale à ce qu’elle paierait au tarif révisable. , il assure. “C’est navrant car je dénonce ce que Total fait à la planète, mais j’ai très peur que si les fournisseurs alternatifs disparaissent, EDF profite de son monopole retrouvé pour faire encore plus monter les prix !” Et là, nous n’aurons plus d’alternatives.”
Aurélien : “Les aides de l’Etat ne sont qu’une goutte d’eau”
En 2012, Aurélien, fonctionnaire régional, et son épouse, photographe indépendante, acquièrent un immeuble ancien à Panossa (Isère), classé G dans le diagnostic énergétique, ce qui en fait une « passoire thermique ». Les trentenaires, qui gagnent à eux deux 2 200 euros nets par mois, n’ont pas les moyens de tout rénover. Ils ont donc installé du double vitrage et remplacé l’ancien poêle chaudière, qui chauffait la maison au charbon, par une chaudière à granulés de bois. Un investissement “écologique et économique”, encouragé par l’Etat : le couple reçoit une aide de l’Agence nationale du logement de 6 000 €, soit la moitié du prix de leur nouvelle chaudière. Mais dix ans plus tard, Aurélien déchante. Face à une augmentation de la demande, mais aussi à l’explosion du coût des matières premières, de l’énergie et du carburant liée à la guerre en Ukraine, le prix de la tonne de pellets a bondi de 75 % entre 2021 et 2022, passant de 309 euros en 540 euros. Résultat : le couple a préféré attendre que le prix baisse avant de passer en caisse. “Il nous reste un peu des quatre tonnes commandées l’an dernier, précise Aurélien. Mais on ne pourra pas tenir tout l’hiver. On chauffera moins que les 19°C préconisés, c’est sûr !” Frappant le gouvernement, qui ne soutenait au départ que ceux qui se chauffaient au gaz naturel et à l’électricité via le “bouclier des prix”, le trentenaire estime que l’aide finalement promise par Elisabeth Borne pour le fioul et le bois n’est “qu’une goutte d’eau sur le seau”. seau par rapport au raz de marée des augmentations.”
Alexandros : “Je fais d’abord des efforts pour préserver l’environnement”
Alexandre n’a pas lésiné sur le travail. Dans sa maison du Val-d’Oise, où il vit depuis quatre ans avec sa femme, professeur de musique, et sa fille de 7 ans, il a isolé ses murs, installé un poêle à bois en 2018, isolé la toiture en 2021 et panneaux solaires installés en 2022 – pour « compenser » l’énergie consommée par le véhicule électrique acheté la même année. Un investissement de plus de 20 000 €, malgré les aides de l’État, que le couple quadragénaire a pu se permettre grâce à l’indemnité qu’Alexander a perçue dans le cadre d’un régime de retraite volontaire. Cet ancien expert des moteurs thermiques a quitté le monde automobile et assure aujourd’hui le support technique d’un groupe industriel. Si les travaux entrepris ont permis de diviser par deux la consommation d’électricité de la famille et d’éliminer complètement la consommation de gaz, les bénéfices pour le porte-monnaie ne sont pas encore perceptibles. “Les efforts que nous avons faits nécessitent des investissements en matériel, nous ne serons pas vainqueurs avant dix ou quinze ans”, estime Alexandre. Gain secondaire, pour le couple qui gagne 4 300 euros nets par mois. “Je pense que c’est dommage de se mettre en quatre pour protéger d’abord son portefeuille et non l’environnement.”
Sylvie : “Je me demandais ce que je pouvais faire à mon niveau”
Sylvie a des fonctions politiques attachées au corps. Cet officier de l’armée de 59 ans, qui habite à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), a changé ses habitudes de consommation à cause de “l’actualité ukrainienne”. “Je savais qu’on allait manquer d’essence, donc je me demandais ce que je pouvais faire à mon niveau”, explique-t-il. “Certaines entreprises ne peuvent pas vivre sans gaz naturel, mais je peux réduire ma consommation pour éviter une panne d’électricité cet hiver.” Ainsi en février dernier, la quinquagénaire a complètement arrêté de chauffer son appartement la nuit par temps froid, préférant fermer ses volets à la tombée de la nuit pour éviter les fuites de chaleur. Elle a également réglé ses robinets sur le réglage de l’eau froide pour éviter un chauffage inutile de l’eau, réduit son temps de douche et séparé ses shampoings. “C’est un peu l’histoire du colibri essayant d’éteindre le feu”, avoue-t-elle en détaillant ses petits gestes quotidiens. Globalement, cependant, ses nouvelles habitudes lui ont permis de réduire sa consommation d’essence de 30 % entre janvier et juin 2022, par rapport à la même période l’an dernier.
Nathalie : “Je croise les doigts pour que l’hiver soit doux”
Nathalie est “en colère”. Cette habitante de Brenouille (Oise) a dû diviser par deux sa commande de fioul domestique par rapport à l’an dernier. En l’occurrence : le doublement des prix en un an. “J’ai essayé de faire une commande groupée avec mes voisins pour réduire les coûts, mais il fallait acheter au moins 1.000 litres par foyer, ce que ni moi ni eux ne pouvions nous permettre”, déplore cette mère de deux jeunes adultes étudiant à Paris. Donc, une fois le froid revenu, “je ne me réchaufferai guère avant que mes enfants ne rentrent à la maison. Croisons les doigts, nous avons un hiver doux !” Nathalie a pensé à changer le mode de chauffage, mais…