Quelle est la version des autorités ?
En visite à Téhéran avec sa famille, Mahsa Amini a été arrêtée mardi 13 septembre par la police des mœurs chargée de faire respecter les codes vestimentaires stricts pour les femmes. Cette interpellation devait servir à donner des “instructions”, a assuré jeudi la police locale. Mahsha Amini, “avec plusieurs autres personnes, a été emmenée dans l’un des quartiers généraux de la police” mais “s’est soudainement évanouie alors qu’elle était avec d’autres personnes dans une salle de conférence”, a indiqué la police. Elle a été immédiatement emmenée à l’hôpital, “elle est décédée et son corps a été transporté à l’institut médico-légal”, a rapporté vendredi la télévision d’Etat. Dans un communiqué, la police de Téhéran a confirmé la mort de la jeune femme. “Il n’y a pas eu de négligence de notre part. Nous avons mené des enquêtes (…) Et toutes les preuves montrent qu’il n’y a pas eu de négligence ou de faute de la part de la police”, a assuré le général Hosseim Rahimi, chef de la police iranienne. Capitale. Pour étayer la version policière, la télévision d’Etat a diffusé des extraits d’une vidéo dans laquelle une femme, identifiée comme étant Mahsa Amini, se lève pour discuter de sa tenue vestimentaire avec un “éducateur” puis s’effondre.
Comment réagit la famille de Mahsa Amini ?
Amjad Amini, le père de la victime, a déclaré à l’agence de presse Fars, lundi 19 septembre, que la “vidéo a été coupée”. Sa fille “a été récemment transférée à l’hôpital”, selon lui. Il a également assuré que sa fille était “en parfaite santé”, contrairement aux déclarations du ministre de l’Intérieur iranien, Ahmad Vahidi, qui affirmait que “Mahsa avait manifestement des problèmes antérieurs” et qu’”elle avait subi une opération au cerveau à un âge avancé”. 5. Le média londonien Iran International a tweeté des images prétendant être une tomodensitométrie du crâne de Mahsa Amini, montrant un “os fracturés, saignements et œdème cérébral » ; soutenant l’idée d’une mort violente causée par des abus. #BREAKING CT scan du crâne de #Mahsa_Amini, envoyé par un groupe hacktiviste à @IranIntl_En, montre des os fracturés, des saignements et un gonflement du cerveau. Cela corrobore les rapports antérieurs de sa famille et de ses médecins et prouve que l’affirmation de la police iranienne est incorrecte. pic.twitter.com/LtBrTbejlt – Iran International English (@IranIntl_En) 19 septembre 2022 Sur le réseau social, d’autres internautes ont partagé des photos de la jeune femme la montrant intubée dans un lit d’hôpital, apparemment inconsciente. La République islamique a tué cette femme pour faire respecter le hijab. Après des jours dans le coma, la source a déclaré “Mahsa Amini, 22 ans, est décédée aujourd’hui”. Elle a été battue par la police des mœurs pour avoir porté un “mauvais hijab”. Les femmes iraniennes sont scandalisées. Le hijab forcé est le principal pilier de la dictature religieuse. pic.twitter.com/51EyYwB8iX – Masih Alinejad ️ (@AlinejadMasih) 16 septembre 2022
Qu’est-ce que la police des mœurs ?
Officiellement connue sous le nom de Gasht-e Ershad (“patrouille d’orientation” en iranien), la brigade des mœurs est une unité qui patrouille dans les rues pour vérifier l’application de la loi sur le foulard dans les lieux publics et d’autres règles islamiques. Depuis la révolution islamique de 1979, la loi iranienne oblige toutes les femmes, quelle que soit leur nationalité ou leurs croyances religieuses, à porter un voile qui couvre la tête et le cou tout en cachant les cheveux. Ce n’est pas la première fois que cette force de police est évoquée en Iran. “Toutes les femmes iraniennes ont des souvenirs de conflits et beaucoup de mauvais souvenirs avec la police des mœurs qui est partout et qui réprime systématiquement les femmes”, a déclaré à franceinfo Mahnaz Shirali, sociologue et politologue iranienne.
Pourquoi les gens sont-ils en colère ?
Depuis samedi, de violents affrontements opposent les forces de sécurité iraniennes à des manifestants dans les grandes villes du pays. Mahsa Amini est “devenue le symbole de l’injustice qui règne depuis 43 ans” en Iran, affirme Mahnaz Shirali. A Saghez (nord-ouest du pays), ville natale de Mahsa Amini dans la province du Kurdistan, où elle a été enterrée samedi, des habitants ont lancé des pierres sur le siège du gouverneur et crié des slogans hostiles. Des manifestations ont également eu lieu dans la capitale provinciale du Kurdistan, Sanadai, ainsi qu’à Téhéran et dans la deuxième ville du pays, Ispahan. Des femmes de Sanandaj, dans la province du Kurdistan iranien, ont enlevé leur foulard pour protester contre la mort de Mahsa Amini après son arrestation par la police des mœurs. Les manifestants scandent “Mort à Khamenei”. pic.twitter.com/Sw7cxb7rDc – Golnaz Esfandiari (@GEsfandiari) 18 septembre 2022 Sur les réseaux sociaux, on voit des femmes à visage découvert se couper les cheveux ou brûler leur hijab. Iran : Des femmes se coupant les cheveux pour protester contre la mort de Mahsa (Zhina) Amini, une Kurde de 22 ans décédée le 16 septembre après être tombée dans le coma en garde à vue, a été arrêtée pour « violation » des règles du hijab islamique. (@ShinD1982, @negarkardan) #MahsaAmini #مهسا_امینی pic.twitter.com/kV7mIqLKX2 – Khosro Kalbasi (@KhosroKalbasi) 18 septembre 2022 “Avec la mort de Mahsa Amini, il y a une forme de saturation qui s’exprime”, observe auprès de franceinfo la politologue Dorna Javan, spécialiste des mobilisations en Iran. Trois personnes sont mortes au Kurdistan iranien, mardi 20 septembre, dans des affrontements avec la police. Les autorités citent trois morts “suspectes” et un “complot fomenté par l’ennemi”, confirmant qu’une des victimes a été tuée par un type d’arme non utilisé par les forces de sécurité iraniennes. Au sein même de la classe politique iranienne, des voix commencent à s’élever contre cette police des mœurs. “Il n’obtient aucun résultat, si ce n’est de causer des dommages au pays”, a déclaré le député Jalal Rashidi Kuchi à l’agence de presse Isna. “Le principal problème est que certaines personnes ne veulent pas voir la vérité”, a-t-il déclaré. Pour tenter de calmer la situation, le président iranien Ebrahim Raisi a appelé à une enquête.
Quelles sont les réactions internationales ?
Cette affaire a un grand retentissement en Iran, mais aussi à l’étranger. La Maison Blanche a qualifié la mort de la jeune femme d’”impardonnable”. “Nous continuerons à tenir les dirigeants iraniens responsables de ces violations des droits de l’homme”, a tweeté Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président américain Joe Biden. Le Quai d’Orsay a, pour sa part, qualifié l’arrestation et la mort de la jeune femme de “profondément choquantes”. Depuis Genève, la Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme par intérim, Nada Al-Nashif, a exprimé mardi “son inquiétude face à la mort de Mahsa Amini (…) et la réponse violente des forces de sécurité aux manifestations qui s’en sont suivies”. “