Son absence annoncée pour un shooting photo organisé mardi avec l’un des partenaires de la Fédération française de football a poussé cette dernière à inverser son ordre de priorité et à “revoir au plus vite” l’accord liant la FFF et les joueurs de la sélection. Entre jargon juridique et critères financiers, qu’y a-t-il derrière cette course que l’avant-centre des Bleus va remporter ?
Six mois de tension et de tâtonnements, quelques heures pour le résultat
Comme souvent, quand Kylian Mbappé veut accélérer, c’est lui qui dicte le rythme. L’”affaire” du droit à l’image a pris racine le 23 mars, lorsque le champion du monde 2018 a décidé de ne pas participer à une journée dédiée aux sponsors de l’équipe de France. Le joueur souhaite par son boycott modifier la gestion des droits à l’image des Bleus. Le geste perturbe un temps la fédération avant que le calme ne revienne dans les deux camps. “Ça va se régler très, très vite. On ne va pas créer de problèmes pour rien, on a un pays à gagner”, a déclaré Mbappé le 23 mai, peu après sa démission du Paris Saint-Germain. “Le football a changé (…) Je ne demande pas grand-chose, j’ai une carrière et je veux gérer ma carrière comme ça me convient.” En mai dernier, Mbappé soulevait la question du droit à l’image. pic.twitter.com/CUx4tQeR8s – RMC Sport (@RMCsport) 19 septembre 2022 Quelques mois plus tard, ce lundi 19 septembre 2022, le joueur aura enfin raison de son combat avec la FFF. La star du PSG annonce qu’il ne participera pas à une séance photo organisée mardi, alors que le matin même, le président de la fédération, Noël Le Graët, a indiqué à L’Equipe que l’affaire sera traitée après la Coupe du monde au Qatar. Dans la soirée, l’instance hexagonale du football publie dans un communiqué, qui “s’engage à revoir dans les meilleurs délais, le contrat inhérent au droit à l’image”.
Le droit à l’image collective, qu’est-ce que c’est ?
Dans le football, comme dans tout sport, et plus largement dans toute activité d’ordre public, la réputation de ses principaux acteurs est un bien marchand, qui doit être soumis à des lois. « Le droit à l’image collectif naît de l’association d’un individu et d’un collectif, explique Tatiana Vasine, avocate spécialisée en droit du sport. Dans le football, on parle de collectif soit d’un club, soit d’une fédération. le droit d’utiliser son image dans un cadre collectif, que la loi a fixé à cinq joueurs par équipe de football. La raison de la querelle est apparemment très simple : Kylian Mbappé souhaite avoir plus de contrôle sur son image personnelle lorsqu’il représente la France et pouvoir changer les lignes sur le droit à l’image collective auquel sont soumis les Bleus.
Les joueurs ont-ils leur mot à dire sur leur image en France ?
Jusqu’à présent, et après le fiasco de la Coupe du monde 2010 à Knysna (Afrique du Sud), les joueurs de l’équipe de France n’ont plus aucun rôle dans leur image de joueur de l’équipe de France. “C’est conditionné par le fait qu’un joueur qui souhaite jouer en équipe de France doit signer une charte avec des engagements, notamment prêter son image à la FFF”, rappelle Tatiana Vassine. Le rapport de force est, jusque-là, assez fort, la fédération doit promouvoir son image, car c’est toute l’image du football français qui découle de celle de l’équipe de France. Il n’y a pas de place pour la négociation pour les joueurs, avec des concessions. La fédération a un pouvoir de régulation : elle peut prendre des dispositions pour les joueurs concernant l’exploitation de leur image. L’attaquant français Kylian Mbappé avec le président de la FFF Noël Le Graët lors d’un match de Coupe du monde féminine le 7 juillet 2019. (PHILIPPE DESMAZES / AFP) C’est ce qui se passe aujourd’hui, du premier choix jusqu’à cinq ans après la retraite professionnelle de l’international français. Cette condition temporelle, ainsi que le manque de contrôle du joueur, est l’une des principales raisons de la rébellion de Kylian Mbappé. Le joueur ne souhaite pas voir son poids publicitaire utilisé pour les fabricants de boissons gazeuses ou les distributeurs de restauration rapide tels que Coca-Cola et Uber Eats, partenaires de la Fédération française de football. “Il est important que les joueurs soient en phase avec les publicités dans lesquelles ils se trouvent”, a déclaré Delphine Verheyden, l’avocate du joueur, à L’Equipe le 28 mars (article payant).
Une situation sans précédent significatif en France
Ce coup de force mené par le joueur du Paris Saint-Germain devrait déboucher sur une révision et une correction des “droits et obligations”, le contenu de ce nouvel accord n’ayant pas encore été communiqué. Pour Tatiana Vasine, c’est un véritable bouleversement qui s’opère. “Reconquérir des droits n’est jamais une mauvaise chose. C’est parce que les sportifs ont fait en sorte qu’ils disposent d’une législation sportive avancée. On assiste à un rééquilibrage des pouvoirs.” C’est aussi de par la nature de son promoteur que le mouvement a pu prendre de l’ampleur. La stature médiatique de Kylian Mbappé et son image individuelle à l’international font de lui un fardeau suffisamment puissant pour porter de telles allégations, alors que l’intervention du législateur “serait une intervention”, précise Tatiana Vassine. « C’est l’institution, ici la FFF, qui a le plus de pouvoir d’un point de vue légal car elle a un pouvoir réglementaire. Mais il ne faut pas oublier que contrairement aux clubs, la fédération a pour mission de servir le public. dimension qui n’est pas purement commerciale, il y a aussi des aspects éthiques ».