Ce modèle, qui est devenu la couverture du magazine, décrit le développement des neurones en trois niveaux hiérarchiques de traitement de l’information. Le niveau sensorimoteur explore comment l’activité cérébrale interne intègre les régularités statistiques de la perception en tant que modèles et les coordonne avec l’action. Le niveau cognitif examine ensuite comment le cerveau met ces schémas en contexte. Enfin, le niveau conscient examine comment le cerveau se déconnecte du monde extérieur et manipule des schémas d’apprentissage (via la mémoire) qui ne sont plus accessibles à la perception.
Vers une conscience artificielle
Guillaume Dumas Crédit : Stéphane Dedelis, CHU Sainte-Justine Les recherches de l’équipe fournissent des indices sur les mécanismes biologiques sous-jacents à la cognition grâce à l’accent mis par le modèle sur l’interaction entre deux types fondamentaux d’apprentissage : l’apprentissage hebbien, qui est associé à la régularité statistique (c’est-à-dire la répétition) – ou, comme il l’a dit, le neuropsychologue Donald Hebb, “des neurones qui s’allument ensemble, se connectent ensemble” – et l’apprentissage par renforcement, lié à la récompense et au neurotransmetteur dopamine. Le modèle résout trois tâches de complexité croissante à ces niveaux, de la reconnaissance visuelle à la manipulation cognitive des perceptions conscientes. A chaque fois, l’équipe a trouvé une nouvelle mécanique de base pour le modèle qui lui permettrait d’aller plus loin. Les résultats mettent en lumière deux mécanismes fondamentaux du développement multiniveau des capacités cognitives dans les réseaux de neurones biologiques : 1) l’épigenèse synaptique ou apprentissage hebbien à l’échelle locale et l’apprentissage par renforcement à l’échelle globale. 2) la dynamique auto-organisée, issue de l’activité spontanée et de l’équilibre entre neurones excitateurs et inhibiteurs ; « Notre modèle montre comment la convergence entre les neurosciences et l’intelligence artificielle met en évidence les mécanismes biologiques et les architectures cognitives qui peuvent alimenter le développement de la prochaine génération de systèmes d’intelligence artificielle et même éventuellement conduire à la conscience. artificielle », déclare Guillaume Dumas, ajoutant qu’une fois parvenu à ce stade, il faudra aussi a priori intégrer la dimension sociale des savoirs humains. Les travaux futurs devraient maintenant viser cette intégration. L’équipe a déjà réalisé la première simulation biophysique de deux cerveaux en interaction. Ce lien avec la réalité biologique et sociale permet déjà d’approfondir notre compréhension des mécanismes fondamentaux qui sous-tendent la cognition humaine et ses troubles, notamment l’autisme. Les futurs modèles relieront l’intelligence artificielle au seul système connu doté d’une conscience sociale avancée : le cerveau humain.
À propos de l’étude
L’article “Multilevel Development of Cognitive Abilities in an Artificial Neural Network”, de Konstantin Volzhenin, Jean-Pierre Changeux et Guillaume Dumas, a été publié le 19 septembre 2022 dans la revue Actes de l’Académie nationale des sciences. Le financement de l’étude a été assuré par le programme-cadre de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne, IVADO et les Fonds de recherche du Québec.